Atelier Photo Fleury Mérogis/ centre des jeunes Détenus

Regards photographiques depuis une maison d'arrêt

Depuis l'année 2002 nous menons un atelier photographique avec des mineurs (sauf en 2007 où les participants étaient des majeurs) au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis. Chaque fois lors de deux semaines d'intervention nous travaillons la prise de vue et le laboratoire noir et blanc avec les détenus. En effet, le Centre de Jeunes Détenus est équipé d'une salle de cours et d'un laboratoire photographique pour le déroulement de ces ateliers qui existent maintenant depuis une quinzaine d'années. Une moyenne de 5 détenus assiste chaque année à l'atelier.

Les conditions de déroulement de l'atelier ne sont évidemment pas simples compte tenu de l'endroit particulier où il a lieu. Il y a des règles très strictes qu'il faut respecter tant dans les déplacements avec les participants pour réaliser les prises de vue que dans ce qu'il est autorisé à photographier.

La question de l'enfermement est inhérente à chacune des images produites lors de cet atelier. Lors de notre intervention, aucun sujet n'est imposé, la simple difficulté de réaliser des images dans un cadre carcéral et d'échapper au "manque de sujets" constitue le défi à relever. Puisque les portraits sont interdits, ainsi que toute image considérée comme trop descriptive de lieux sensibles, les photographies se révèlent petit à petit comme un parcours subtil dans le milieu carcéral. En cachant des visages, jouant sur le flou de mise au point ou de mouvement, en faisant ressortir des détails ou avec la maîtrise du travail de laboratoire, les prisonniers montrent leur univers quotidien. Leurs images sont tantôt proches tantôt éloignées de celles faites, sous étroite surveillance, par les reporters autorisés à parcourir les couloirs de ces lieux pendant quelques heures.

La fin de chaque atelier est couronnée par la réalisation d'un grand collage montrant un lieu précis du Centre de Détention. À la manière d'un David Hockney ces lieux sont morcelés photographiquement et assemblés pour donner une image revisitée en rupture avec le réel. C'est aussi une occasion pour casser les murs de la prison, échapper aux règles et aux conventions tout en conservant le rapport au réel. Pour l'instant, la façade de la cour de promenade des mineurs, la chapelle, le gymnase et la salle de fouille ont été photographiés de cette manière.

Jérôme Conquy et Bruno Arbesu